samedi 10 septembre 2016

Gourmandises


 Je vais faire une pâte à tarte. Vous le saviez, vous, que mon bonheur passe par mon estomac ? Toutes ces raisons quotidiennes d’être heureuse, si c’est pas magnifique ! Mais peut-être que ce n’est pas que la gourmandise qui fait ça.


Je vais faire une pâte à tarte et à cette évocation, je vois ses mains travailler la farine et la margarine. Oui, la margarine, il y a encore 20 ans, on pensait que c’était tellement mieux pour le cholestérol…Je vois les petits cubes découpés que le couteau pousse dans le saladier et le mouvement de ses mains, grandes et puissantes, aux ongles bien dessinés, répétant le même frottement qui fabriquera les fameux grumeaux. Je me souviens du moment où je pouvais détacher la pâte de l’interstice de ses doigts. Ceux-là même qui ont su faire traverser les années à mon pyjama préféré. En fond sonore, sûrement les commentaires d’un match de foot, étouffés par le mur qui séparait cuisine et salon.

Il y a aussi l’odeur des tomates. Imaginez-vous que chaque fois que je plonge mon nez dans une grappe, je suis renvoyée instantanément dans leur jardin. A l’heure du soir où la chaleur tombe, où les sons se font plus tamisés et où mon petit arrosoir venait tremper dans la réserve d’eau de pluie pour rafraîchir fleurs et légumes. L’odeur tiède des plants de tomates gorgées de soleil. Celle de la terre brûlante sous la serre chaude. Cette serre qui renfermait des milliers de trésors aussi précieux que des ficelles de toutes les couleurs, des machins à la destination obscure et des granules multicolores qui ne fallait surtout pas toucher. Ah pour sûr, il n’était pas trop trop bio, le potager, à l’époque !
Ces centaines de tomates qu’elle finissait par cuire dans la grande marmite avant de la descendre bouillante à la cave. Là, c’est dans son antre à lui, où s’alignaient méticuleusement vis et écrous, qu’il les passait au moulin à légumes pour en extraire toute la puissance. Les graines, elles, seraient étalées sur des plaques de verre pour les plantations de l’an prochain.
Chaque été, je refais les mêmes gestes juste pour l’odeur, juste pour détacher graines et pelures qui empêchent le moulin à légumes de poursuivre son oeuvre. Juste pour l’humidité au coin de l’œil quand les effluves passent du nez au cœur en soulevant le couvercle.
Chaque été, j’attends de trouver les meilleures pour faire des tomates farcies selon la recette que j’ai travaillée durant des années pour parvenir à la perfection de mon souvenir. Le souvenir de mes réveils où chaque marche craquante de l’escalier que je descendais me confirmait que mon plat préféré serait au menu du midi. Repas que Philippe Risoli animerait à coup de vitrines à gagner et de roue à tourner.

Autres lieux, même temps, ce gros bâtons de bois qui remue les pommes de terre et la farine pour faire des pflutas aussi goûteuses qu’écoeurantes. Les cuillères qu’il trempe dans le beurre fondu avant de façonner ces quenelles dans un geste que je répète dès qu’un plat me le permet.
Et le goût du diététique mélange de crème et beurre noisette qui finira de garnir l’impressionnante pyramide.
La tarte de cet après-midi sera aux pommes. Douloureux tiraillement dès que l’envie m’en vient : est-ce sa recette à lui qui je veux retrouver aujourd’hui, ou la sienne à elle ? Aujourd’hui, ce sera elle qui m’accompagnera pour la journée.
Peut-être qu’un filet de limande flambé au whisky viendra rétablir l’équilibre ?

De ceux-là et des autres je garderai aussi l’attachement à l’odeur du foin, du fumier qu’on épand, de la contrainte des fleurs à arroser, du sucre trempé dans le schnaps.
Qui comprendra à quel point j’aime écosser les petits pois et équeuter les haricots et pourquoi diable ces activités me donnent immanquablement envie de quetsches, comme celle que la voisine me tendait à travers le grillage quand nous travaillions sur la table verte ? En métal, bien sûr.

Et avec ces sensations gourmandes, le souvenir intemporel de l’affection dans laquelle je baignais lors de ces journées hors du temps de vacances d’été.

Un jour, une à une, les maisons ont du se vider, attirant immanquablement divers vautours avides de récupérer les objets de valeur. Pourtant, c’est bien moi qui récupérerais les trésors. Les livres de recette où ils me livrent leur secret avec leur écriture appliquée qui me donne l’impression de recevoir leurs astuces au creux de l’oreille. Et puis un moulin à café, la boîte de bouillon qui est bien la seule que j’imaginais contenir ma farine, le presse-ail qui permet aussi de retirer les noyaux de cerise. Tous ces objets qui empêchent ma cuisine de vivre avec son temps mais qui ont une histoire que leurs cousins de vide-greniers doivent sûrement envier.
Après tout ça, comment voulez-vous que je me sépare des objets qui savent me faire voyager dans le temps et retrouver intactes mes émotions d’enfant ?

Ce Noël, si la vétérante est toujours là, j’irai encore la voir pour lui chanter sa chanson. Il ne reste pas grand-chose de celle qui fût la reine des tartes aux myrtilles, c’est presque une autre personne que je vais visiter. Mais il est d’autres secrets qui nous ramènent aux souvenirs qui nous enveloppent de bien-être, ils se trouvent dans les notes de musique.

Je mesure la chance inestimable que j’ai de pouvoir tous les retrouver quand je veux, pour peu que je pénètre dans ma cuisine. Juste gourmande, vous avez dit ?


vendredi 11 juillet 2014

Contraste

       Il y a quelques jours, ma consoeur 10lunes a publié un joli billet relatant une naissance pleine d’émotion. Une naissance accompagnée par une sage-femme qui a su se faire toute petite et mettre son confort en suspens. Juste pour permettre à cette mère d’accoucher comme elle en ressentait le besoin.  

     Mais en le lisant, je ne pouvais m’empêcher d’avoir en toile de fond cette conversation récente entre deux collègues. Contraste. 

     L'une d’entre elles ne parvient pas à comprendre les femmes qui, de nos jours, souhaitent encore accoucher à domicile.
  Dans son esprit, tout d’abord, les peurs habituelles des complications que nous avons toutes vécues lors de nos exercices hospitaliers.
      Et puis, forte de ses années d’expérience, elle peut l’affirmer : les accouchements sont de moins en moins médicalisés et les femmes de plus en plus écoutées. Bien qu’elle ne soutienne pas trop le principe des projets de naissance qui encombrent la tête des femmes et pourraient la limiter dans l’exercice de son art.
Enfin, elle comprend d’autant moins ces femmes que sa maternité bénéficie d’une « salle nature » dans laquelle elles peuvent accoucher plus physiologiquement.
     Bref, sa conclusion est sans équivoque : plus écoutées, moins soumises à la technique et dans une salle aménagée, les femmes  accouchent dans sa maternité vraiment comme si elles étaient chez elles.

      Soulignant tous les efforts consentis par l’équipe, sa collègue lui apporte un autre éclairage au gré de la conversation.
   Les pays qui ont fait le choix des maisons de naissances indépendantes et des accouchements à domicile mettent-ils vraiment leurs citoyennes en danger ? Ce n’est pas ce qu’affirment des études bien menées qui concluent même à de meilleurs résultats pour les femmes accouchant chez elles après un premier enfant.
     Pour la majorité des couples, les projets de naissance ne sont pas un programme préétabli qui détermine à l’avance le déroulement de l’accouchement. Pour beaucoup, il est juste l’assurance que le professionnel qui sera là le jour J pourra tenir compte de leurs particularités et agir dans le respect de leur sensibilité et de leurs idéaux car ils auront pu être transmis.
    Et bien que la première le soutienne mordicus, « comme à la maison » n’est pas « à la maison ». Ne serait-ce que parce qu’il faut quitter le foyer et faire un trajet pour se rendre dans un lieu où on n’est pas chez soi.
   Les femmes qui accouchent chez elles soulignent souvent la spontanéité dont elles peuvent faire preuve dans un espace qui est le leur et avec une sage-femme qu’elles connaissent. C’est elle qui est chez eux et non l’inverse. Aussi les femmes s’autorisent-elles bien plus facilement des positions ou des sons antalgiques parfois refreinés en structure.

    Au fil des minutes, la discussion se poursuit, les points de vue s’échangent et on en revient aux libertés de position.
    La première consoeur favorise la déambulation mais se montre en revanche très réticente face à l’accouchement sur un tabouret de naissance. Difficulté de contrôle de la progression du fœtus ? Problème d’ergonomie pour la sage-femme qui doit parfois se contorsionner ? Questionnements quant à la tension générée sur le périnée ? Non, rien de tout ça. La cause de cette réticence est tout autre et elle finira par la donner. Elle est dérangée par les accouchements sur le tabouret car…elle trouve ça sale.

    Comme à domicile ? Vraiment ?


Illustration : utilisation d'un tabouret d'accouchement 

Comme 10lunes, je termine en donnant un lien. Les sages-femmes françaises ont les plus grandes difficultés à se faire assurer pour les "accouchements à domicile pas comme en salle nature". Elles ont décidé de saisir la justice et ont besoin de soutien
Vous trouverez ici le communiqué de presse de l'Association Nationale des Sages-Femmes Libérales

samedi 31 mai 2014

Le premier qui dit la vérité...


Ceci est un hommage à Guy Béart...
Mais non, rhô...On a les références qu'on peut ! (Non mais c'est pas obligé de l'écouter, hein)

J’aime bien les phrases empruntes de sagesse transmises par mes aînées, à méditer de temps à autre et vers lesquelles je tends. Celle que j’essaie de suivre en préparation à la naissance est la suivante :
« Je ne suis pas là pour vous préserver de la réalité, mais  pour vous aider à vous y préparer »

Dans le même ordre d’idée :
« Nous ne sommes pas là pour rassurer les femmes à tout prix mais pour leur permettre de trouver leur réassurance »
               
Alors ce jour-là, plutôt que de nier l’évidence devant ses inquiétudes sur son ventre peu rebondi, il m’a semblé bien plus honnête de lui confirmer qu’elle était menue pour le terme.
Oui, elle avait raison, son ventre était petit. Et surtout, oui, elle avait eu bien raison de me faire part de ce  doute. Mais son suivi était régulier et les échographies tout à fait rassurantes. Et puis les bébés n’ont pas leur pareil pour se mettre dans d’étonnantes positions mettant à mal les yeux les plus expérimentés. Sans parler de sa tonique sangle abdominale à la hauteur de sa passion pour le sport.
D’ailleurs ce petit devait avoir hérité de sa mère aux vues de la vigueur bien rassurante de ses mouvements !

C’est quelques temps plus tard que j’apprendrais à quel point mes paroles l’avaient ébranlée. Là où les autres la rassuraient, quelle idée avais-je eu de lui dire que moi aussi, professionnelle et donc en position d’autorité et de savoir, j’avais remarqué ses formes encore peu épanouies ?!
Nous ne nous verrions plus, elle avait trouvé une autre sage-femme bien plus apaisante.
              
J’avais voulu écouter sa crainte, valider ce qu’elle avait bien vu et lui confirmer qu’elle pouvait avoir confiance dans son ressenti. Puis lui montrer les signes sur lesquels s’appuyer pour se tranquilliser : « Oui, votre ventre est petit, mais nous avons des tas d’éléments qui nous disent que ce n’est pas en lien avec un quelconque problème ».
Je trouvais ça bien plus respectueux et constructif que de balayer d’un geste son ressenti en lui faisant comprendre qu’elle avait tort de s’interroger puisque tout le monde lui disait que tout allait bien : « Mais non il n’est pas petit votre ventre. Vous vous inquiétez pour rien. Et puis ça vous fera ça de moins à perdre et tant mieux si votre bébé est petit, il passera plus facilement ! ». Clin d’œil appuyé.

Mais voilà, j’étais tombé à côté.
Cette histoire m’a longtemps interrogée. Je me disais que j’aurais du comprendre qu’elle avait besoin d’être cocoonée et pas d’être mise face à la réalité. Et puis il y avait des liens avec son histoire, manifestement.
Et puis plus j’y réfléchis, plus je me dis que je n’aurais pas pu. Parce que ce n’est pas moi et ce n’est pas ma façon d’être sage-femme. Amener un couple à faire des choix et prendre des responsabilités des parents est pour moi antinomique avec l’idée de les mettre dans une bulle d’infantilisation pour les préserver.
C’est une rencontre qui n’a pas pu aboutir. Elle a trouvé une autre sage-femme qui correspondait plus à ses besoins de ce moment-là et tant mieux si elle a osé ne pas rester par pure politesse envers moi.

Mon égo y a pris un coup sur le moment mais aujourd’hui, après des années de réflexions, je me dis que si la même femme venait me voir aujourd’hui…je lui dirais la même chose !

lundi 5 mai 2014

L'histoire de Louise C - Episode 2

  Mais tout ça, je l’ai appris au fil des rendez-vous qui ont ponctué sa grossesse…

  Louise s’était posé beaucoup de questions sur ce qu’une sage-femme pouvait bien lui apporter, à deux mois de grossesse. C’était un peu tôt pour accoucher ! Mes quinze incompressibles minutes de retard lui auront permis avec étonnement de découvrir tous les champs d’action de notre profession…
Ainsi donc, je pouvais lui prescrire les examens et éventuellement les traitements nécessaires au suivi de sa grossesse ? Et continuer à l’accompagner après la naissance pour les milles et une question qu’elle ne s’était jamais posées lors de la préparation, tout en assurant la surveillance clinique de son enfant ?! Et même, même lui poser ce fameux stérilet dont toutes ces copines lui avaient vanté les mérites ces derniers temps ?!!

  De mon côté, j’ai toujours eu un rapport un peu ambivalent avec la première consultation de grossesse. C’est souvent une première rencontre avec cette femme, avec ce couple. La nouvelle est encore fraîche et les questions s’entremêlent.

  J’aimerais aller à leur rythme, celui d’une ligne rose un peu pâle et incertaine, de quelques nausées surprenantes et de soirées écourtées par un furieux besoin de sommeil. Il y a là des doutes, des sensations inconnues, et parfois inquiétantes. Des responsabilités qui se profilent, des promesses qui se dessinent peu à peu et parfois la valse des hésitations.

  Apprivoiser devrait bien être le maître mot de cette rencontre. Apprivoiser tous ces chamboulements et s’apprivoiser les uns et les autres pour le bout de chemin je parcourrai à leurs côtés.

  Mais le temps médical n’est pas le même.
Voilà que ce premier contact doit me faire relever les antécédents, prescrire un long bilan qui parle de maladies qui font frissonner, faire signer des documents médico-légaux, abreuver de conseils en tout genre, prévenir les potentielles carences, fixer un calendrier d’examens et de démarches. Et surtout, à peine les contours d’une nouvelle vie qui apparaissent, faire réfléchir au dépistage des maladies chromosomiques avec en filigrane l’éventualité d’une interruption de la grossesse.

  Alors j’essaie de tricher avec le temps, de freiner le tourbillon du normatif, d’écouter et de faire de la place aux individus cachés derrière le tas de papiers qui s’amoncelle.

  Pour Louise d’ailleurs, tout allait bien. Sûrement avait-elle dû être bonne élève dans ses jeunes années car elle s’appliquait à bien répondre. Un peu trop bien peut-être…
Me raconter l’histoire de sa grossesse ? Oh, une grossesse accid…surprise mais c’était quand même le bon moment, en fait. Son chéri est formidable, ils ont tous les deux un CDI et il y avait même une pièce en trop dans leur appartement tout neuf. Et puis elle sait qu’elle pourra compter sur les conseils de sa belle-mère.
Si ça se passe bien ? C’est à moi de lui dire, ça ! En tout cas, elle n’a pas trop de nausées. Enfin, d’ailleurs, c’est normal, ça ?

  Ce jour-là, je choisirai d’être à l’écoute de ce qu’elle aura envie de me confier et de ses silences.
  Elle prendra des notes fébriles pour pouvoir réfléchir avec son compagnon aux décisions à prendre dans les semaines à venir quant aux examens proposés. L’occasion pour elle de découvrir que si elle le souhaite, une autre sage-femme, spécialisée dans le domaine, pourra assurer son suivi échographique à la maternité de Saint-Nanterre.

  S’apprivoiser avait-on dit…Il y avait comme un goût de retenue dans cette première rencontre. Un goût qui me faisait pressentir que mon légendaire quart d’heure risquait de se transformer en demi-heure de décalage…

  Un sourire, une veste qui avait finalement besoin d’être réajustée d’un millimètre avant de sortir, un reflet au coin de l’œil, la main sur la poignée…« Vous croyez qu’il le sent que je ne voulais pas de lui et que parfois encore je… ? »

A l'occasion du 5 mai, Journée Internationale de la Sage-Femme, 
les blogueurs sages-femmes vous invitent à voyager de billet en billet 
pour découvrir l'histoire de Louise C.

L'histoire commence ici                         La suite est ici


samedi 15 mars 2014

Back to the future ?

Aujourd’hui, j’ai passé la journée chez les Bisounours.

Déjà quand j’ai respiré l’air du parking (oui, du parking, quoi !), ben il était pas pareil comme d’habitude. Comme plus fluide. Comme ensoleillé.

Je suis allée à la rencontre de mes collègues et j’ai eu des sourires de bonne humeur pour m’accueillir. La cheffe connaissait mon prénom et on m’a donné un café avant de me raconter des blagues. Je me suis sentie bienvenue. On m’a identifiée, on n’a pas oublié mon prénom et on m’a fait une place immédiatement.

Aux détours des labyrinthes du hasard, j’ai pu pénétrer la bulle d’un tout nouveau cocon familial que j’avais contribué à tisser. Sans crier gare, une émotion aussi vive qu’inattendue m’a assaillie lorsque les effluves si caractéristiques des nouveau-nés se sont rappelées à moi. Ces effluves de nouveau-nés qui sentent encore leur pays d’origine. J’avais donc oublié…

Au pays des poneys qui mangent des arcs-en-ciel et…(je vous laisse voir la suite ici) y a eu des docteurs qui m’ont parlé avec un sourire, qui m’ont donné des réponses et qui ont même partagé leurs questions existentielles à eux aussi. Du travail en équipe, des réflexions de groupe, une sage-femme placée en experte dans un dossier coton.

Y a bien eu des consultations qui ont été trop rapides pour moi et des perches tendues non saisies, des portes vite refermées. Y a bien des Romains qui tournent autour du village gaulois et un Grand Schtroumpf qui s’est transformé en Gargamel avant de disparaître en laissant les Schtroumpfettes dans la mouise mais quand même…

Quand même c’était tellement bien que ça m’a presque donné envie d’y remettre un pied, dans une équipe et à l’hôpital. 

samedi 25 janvier 2014

Autour d'une femme

Humeur morose ces derniers jours...

Alors que les sages-femmes se battent pour que les compétences qu'elles exercent et leur travail quotidien soit reconnu, l'ambiance est tendue avec certains gynécologues-obstétriciens.
Il y a quelques jours, le Magazine de la Santé recevait le Dr Le Pors-Lemoine, gynécologue-obstétricienne et vice-présidente du SYNGOF. Ses propos au sujet des compétences et de la qualité du travail dessages-femmes peuvent se résumer en une phrase choc : 
"Les femmes ne sont pas que surveillance d'utérus, seins et ovaires. La femme a aussi un cerveau, un coeur, il y a donc une prise en charge globale pour la santé des femmes"

Me sentir ainsi dénigrée me mine. Le hasard des bureaux encombrés m'a alors fait retomber sur cette petite carte...

Cela faisait longtemps que je n'avais plus vu cette famille. Et pourtant, ils avaient eu envie de se rappeler à mon bon souvenir pour quelques nouvelles.

Je l'avais rencontrée au débuté de sa grossesse.
Elle était venue me consulter car elle refusait de voir son gynécologue. Elle m'expliqua que l'absence de prise en compte de son ressenti et de ses antécédents lors de sa précédente grossesse lui avait fait perdre sa trompe, et presque la vie. Après des mois d'attente, ce foetus-là s'était bien niché dans son utérus et tout se passait au mieux. Nous avons alors cheminé ensemble pendant plusieurs mois.

De sa tête et de son coeur, je m'en suis occupée.
Quand devenir mère n'était pas si simple, que ses vieux démons sont venus la hanter ou encore quand une avalanche de questions tentaient de masquer son angoisse.
Quand nos discussions ont pris le chemin de la contraception et que je l'ai mise en garde sur ses facteurs de risque contre-indiquant certaines options.
Et également ce matin-là, quand j'ai préféré prendre l'avis de son médecin traitant alors que "ça battait la chamade là-d'dans".

Ce sont bien des heures qui ont été consacrées à son soutien lorsque l'allaitement est devenu difficile. Et quand j'ai douté, c'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que j'ai collaboré avec un pédiatre spécialisé en allaitement maternel.

Des mois plus tard, j'ai aussi pris le temps de contacter le CRAT pour apporter de nouvelles données au spécialiste qui s'interrogeait sur le traitement qui lui permettrait de sortir du choix cornélien : "l'allaitement ou le soulagement".

Peut-être qu'un jour elle se plaindra de symptômes qui dépasseront le simple suivi gynécologique de prévention qu'elle poursuit avec moi. Je ne doute pas que je parviendrai à l'orienter à ce moment-là vers un gynécologue soucieux de travailler en bonne intelligence, et qui saura se montrer aussi efficace que disponible et à son écoute.

C'est ça, mon métier au quotidien : un utérus, des ovaires mais enfin surtout une femme ! Et souvent une famille à ses côtés. Et parfois même un ensemble de professionnels de santé qui gravitent autour...dans le respect et la collaboration.

vendredi 11 octobre 2013

Leçon de choses

Des leçons, mes professeurs m’en ont appris des tas. Mais une des plus formatrices m’a sûrement été donnée par une des institutrices que j’ai rencontrées…dans mon cabinet !

Comme beaucoup de mes patientes, je ne la connaissais pas avant qu’elle me contacte pour assurer ses séances de rééducation du périnée. Elle est arrivée avec son petit lové contre elle, d’un air à la fois assuré et décontracté.
Posément, elle annonce : « Je suis venue pour faire ma rééducation périnéale. Mais ce n’est peut-être pas nécessaire : je sais, je sens que tout va bien ».

J’étais alors une jeune sage-femme libérale habituée à savoir, et à savoir mieux que les femmes. Même si j’aimais déjà les accompagner selon leur projet, je n’avais pas encore compris qu’ELLES détiennent une infinité de connaissances subtiles à écouter et à valoriser.

Immédiatement, j’ai donc pensé « Oui, enfin, ça, ça reste encore à voir. C’est quand même mon examen qui va pouvoir déterminer l’état de son périnée ».


Evidemment, elle avait raison.