samedi 31 mai 2014

Le premier qui dit la vérité...


Ceci est un hommage à Guy Béart...
Mais non, rhô...On a les références qu'on peut ! (Non mais c'est pas obligé de l'écouter, hein)

J’aime bien les phrases empruntes de sagesse transmises par mes aînées, à méditer de temps à autre et vers lesquelles je tends. Celle que j’essaie de suivre en préparation à la naissance est la suivante :
« Je ne suis pas là pour vous préserver de la réalité, mais  pour vous aider à vous y préparer »

Dans le même ordre d’idée :
« Nous ne sommes pas là pour rassurer les femmes à tout prix mais pour leur permettre de trouver leur réassurance »
               
Alors ce jour-là, plutôt que de nier l’évidence devant ses inquiétudes sur son ventre peu rebondi, il m’a semblé bien plus honnête de lui confirmer qu’elle était menue pour le terme.
Oui, elle avait raison, son ventre était petit. Et surtout, oui, elle avait eu bien raison de me faire part de ce  doute. Mais son suivi était régulier et les échographies tout à fait rassurantes. Et puis les bébés n’ont pas leur pareil pour se mettre dans d’étonnantes positions mettant à mal les yeux les plus expérimentés. Sans parler de sa tonique sangle abdominale à la hauteur de sa passion pour le sport.
D’ailleurs ce petit devait avoir hérité de sa mère aux vues de la vigueur bien rassurante de ses mouvements !

C’est quelques temps plus tard que j’apprendrais à quel point mes paroles l’avaient ébranlée. Là où les autres la rassuraient, quelle idée avais-je eu de lui dire que moi aussi, professionnelle et donc en position d’autorité et de savoir, j’avais remarqué ses formes encore peu épanouies ?!
Nous ne nous verrions plus, elle avait trouvé une autre sage-femme bien plus apaisante.
              
J’avais voulu écouter sa crainte, valider ce qu’elle avait bien vu et lui confirmer qu’elle pouvait avoir confiance dans son ressenti. Puis lui montrer les signes sur lesquels s’appuyer pour se tranquilliser : « Oui, votre ventre est petit, mais nous avons des tas d’éléments qui nous disent que ce n’est pas en lien avec un quelconque problème ».
Je trouvais ça bien plus respectueux et constructif que de balayer d’un geste son ressenti en lui faisant comprendre qu’elle avait tort de s’interroger puisque tout le monde lui disait que tout allait bien : « Mais non il n’est pas petit votre ventre. Vous vous inquiétez pour rien. Et puis ça vous fera ça de moins à perdre et tant mieux si votre bébé est petit, il passera plus facilement ! ». Clin d’œil appuyé.

Mais voilà, j’étais tombé à côté.
Cette histoire m’a longtemps interrogée. Je me disais que j’aurais du comprendre qu’elle avait besoin d’être cocoonée et pas d’être mise face à la réalité. Et puis il y avait des liens avec son histoire, manifestement.
Et puis plus j’y réfléchis, plus je me dis que je n’aurais pas pu. Parce que ce n’est pas moi et ce n’est pas ma façon d’être sage-femme. Amener un couple à faire des choix et prendre des responsabilités des parents est pour moi antinomique avec l’idée de les mettre dans une bulle d’infantilisation pour les préserver.
C’est une rencontre qui n’a pas pu aboutir. Elle a trouvé une autre sage-femme qui correspondait plus à ses besoins de ce moment-là et tant mieux si elle a osé ne pas rester par pure politesse envers moi.

Mon égo y a pris un coup sur le moment mais aujourd’hui, après des années de réflexions, je me dis que si la même femme venait me voir aujourd’hui…je lui dirais la même chose !

lundi 5 mai 2014

L'histoire de Louise C - Episode 2

  Mais tout ça, je l’ai appris au fil des rendez-vous qui ont ponctué sa grossesse…

  Louise s’était posé beaucoup de questions sur ce qu’une sage-femme pouvait bien lui apporter, à deux mois de grossesse. C’était un peu tôt pour accoucher ! Mes quinze incompressibles minutes de retard lui auront permis avec étonnement de découvrir tous les champs d’action de notre profession…
Ainsi donc, je pouvais lui prescrire les examens et éventuellement les traitements nécessaires au suivi de sa grossesse ? Et continuer à l’accompagner après la naissance pour les milles et une question qu’elle ne s’était jamais posées lors de la préparation, tout en assurant la surveillance clinique de son enfant ?! Et même, même lui poser ce fameux stérilet dont toutes ces copines lui avaient vanté les mérites ces derniers temps ?!!

  De mon côté, j’ai toujours eu un rapport un peu ambivalent avec la première consultation de grossesse. C’est souvent une première rencontre avec cette femme, avec ce couple. La nouvelle est encore fraîche et les questions s’entremêlent.

  J’aimerais aller à leur rythme, celui d’une ligne rose un peu pâle et incertaine, de quelques nausées surprenantes et de soirées écourtées par un furieux besoin de sommeil. Il y a là des doutes, des sensations inconnues, et parfois inquiétantes. Des responsabilités qui se profilent, des promesses qui se dessinent peu à peu et parfois la valse des hésitations.

  Apprivoiser devrait bien être le maître mot de cette rencontre. Apprivoiser tous ces chamboulements et s’apprivoiser les uns et les autres pour le bout de chemin je parcourrai à leurs côtés.

  Mais le temps médical n’est pas le même.
Voilà que ce premier contact doit me faire relever les antécédents, prescrire un long bilan qui parle de maladies qui font frissonner, faire signer des documents médico-légaux, abreuver de conseils en tout genre, prévenir les potentielles carences, fixer un calendrier d’examens et de démarches. Et surtout, à peine les contours d’une nouvelle vie qui apparaissent, faire réfléchir au dépistage des maladies chromosomiques avec en filigrane l’éventualité d’une interruption de la grossesse.

  Alors j’essaie de tricher avec le temps, de freiner le tourbillon du normatif, d’écouter et de faire de la place aux individus cachés derrière le tas de papiers qui s’amoncelle.

  Pour Louise d’ailleurs, tout allait bien. Sûrement avait-elle dû être bonne élève dans ses jeunes années car elle s’appliquait à bien répondre. Un peu trop bien peut-être…
Me raconter l’histoire de sa grossesse ? Oh, une grossesse accid…surprise mais c’était quand même le bon moment, en fait. Son chéri est formidable, ils ont tous les deux un CDI et il y avait même une pièce en trop dans leur appartement tout neuf. Et puis elle sait qu’elle pourra compter sur les conseils de sa belle-mère.
Si ça se passe bien ? C’est à moi de lui dire, ça ! En tout cas, elle n’a pas trop de nausées. Enfin, d’ailleurs, c’est normal, ça ?

  Ce jour-là, je choisirai d’être à l’écoute de ce qu’elle aura envie de me confier et de ses silences.
  Elle prendra des notes fébriles pour pouvoir réfléchir avec son compagnon aux décisions à prendre dans les semaines à venir quant aux examens proposés. L’occasion pour elle de découvrir que si elle le souhaite, une autre sage-femme, spécialisée dans le domaine, pourra assurer son suivi échographique à la maternité de Saint-Nanterre.

  S’apprivoiser avait-on dit…Il y avait comme un goût de retenue dans cette première rencontre. Un goût qui me faisait pressentir que mon légendaire quart d’heure risquait de se transformer en demi-heure de décalage…

  Un sourire, une veste qui avait finalement besoin d’être réajustée d’un millimètre avant de sortir, un reflet au coin de l’œil, la main sur la poignée…« Vous croyez qu’il le sent que je ne voulais pas de lui et que parfois encore je… ? »

A l'occasion du 5 mai, Journée Internationale de la Sage-Femme, 
les blogueurs sages-femmes vous invitent à voyager de billet en billet 
pour découvrir l'histoire de Louise C.

L'histoire commence ici                         La suite est ici